J'ai
fumé ma première cigarette lorsque j'avais... 10
ans ! Ce ne fut pas une cigarette comme ça en passant,
mais plusieurs paquets, étalés sur plusieurs semaines
de manière intensive. C'était avec un camarade de
classe dont j'ai oublié le prénom, mais qui habitait
avenue de la Floride. Un jour de printemps, nous nous retrouvâmes
dans un terrain vague, le long du Bosveldweg, près du Clos
Dandoy. Il me proposa une Belga : nous finîmes le
paquet... Et le lendemain, c'était moi le fournisseur.
Faut dire qu'à l'époque, il y avait des paquets
de 10 cigarettes !
Après
ces débuts précoces, je crois que je n'ai pas arrêté
de fumer... mais pas de manière intensive. Je n'avais pas
beaucoup d'argent, et j'avoue... que je suivais dans la rue les
fumeurs pour terminer leur mégot ! Le seul problème
que j'avais était lié au catéchisme : je
crois bien que la réponse à la question 7 disait
"Dieu sait tout, voit tout, même nos pensées
les plus secrètes !". Bref, je fumais en cachette,
mais avec cette obsession que Dieu me voyait et savait tout. Je
ne sais pas très bien ce que cela changeait, mais c'était
quand même gênant.
J'ai
commencé à être un fumeur intense vers 15
ans, chez les Pionniers. Voilà
bien un milieu de jeunes où l'anormalité est de
ne pas fumer. Alors, j'ai fumé. Des Belga, je suis
passé aux Bastos, et puis aux Gauloises bleues
sans filtre. Parfois aussi des Gitanes, mais il n'y en
avait que 20 par paquet au lieu de 25. C'était bien sûr
coûteux, et - plus âgé - je suis passé
à la pipe, à la suite d'un détour amusant.
À
l'université, comme tout le monde fumait, j'ai voulu me
démarquer en arrêtant. J'y étais arrivé.
Alors, un jour, pour bien montrer que je maîtrisais, je
me suis dit : "Pourquoi pas une bonne pipe ?". Ce fut
délicieux, et j'ai continué à arrêter...
jusqu'au jour où, comme j'avais pu ne pas recommencer à
fumer la première fois, je me suis dit : "Et si j'essayais
une petite pipe ?". Le temps entre cette deuxième
et la troisième pipes fut moins long qu'entre la première
et la deuxième, et ainsi de suite. Et de pipe en pipe,
je suis revenu à la cigarette... comme tout le monde.

Bien
sûr, déjà à l'époque, l'information
sur les méfaits du tabac ne manquait pas. Nous étions
parfaitement informés... mais que faire d'une telle information
quand on est jeune et en pleine forme ? Par contre, ce qui m'ennuyait,
c'était le coût du tabac. Surtout lorsque j'ai décidé
d'arrêter mes études de
droit pour commencer celles d'instituteur : je n'avais plus pour
vivre que les allocations familiales que mes parents me refilaient
ainsi que mes (maigres) cachets de musicien-accompagnateur
de Robert. J'ai donc abandonné la cigarette roulée
au bénéfice de la cigarette à rouler. Rouler
une cigarette, c'est comme rouler à vélo : ce n'est
pas facile à apprendre, mais quand on a appris, ça
ne s'oublie pas !
En
1978, je deviens donc instituteur fumeur. Cela m'ennuyait quand
même un petit peu, car je me rendais bien compte que moralement,
ce n'était pas le meilleur exemple pour ces enfants qui
me passionnaient. De plus, j'étais de plus en plus souvent
le seul fumeur dans les milieux que je fréquentais... et
donc le seul emmerdeur ! Surtout dans les groupes religieux de
préparation de messes de jeunes. Je prenais conscience
que fumer ennuyait profondément les autres... et cela m'ennuyait
profondément.
Bref,
l'envie d'arrêter naissait petit à petit, mais comment
faire ? Il n'y avait pas de patch à l'époque. J'ai
bien essayé l'acuponcture dans les oreilles, mais à
part donner pendant quelques temps un goût horrible à
mes bonnes petites cigarettes, cela n'a servi à rien. Le
matin, "j'oubliais" mon paquet à la maison, espérant
tenir toute la journée, mais dès mon arrivée
à l'école, je filais chez le libraire, et m'en roulais
une bonne !
Ce
fut Dieu qui me sauva. À l'époque, j'étais
en pleine crise mystique. J'habitais seul et j'avais aménagé
en chapelle un coin de mon appartement, au 1618, chaussée
de Wavre. Le mardi 6 mars 1979, je suis rentré chez moi
un peu avant minuit, après une partie de Whist chez Stephen.
Je me suis assis dans mon fauteuil préféré,
j'ai roulé une cigarette, je l'ai allumée en me
disant : "Cette fois, tu fumes ta dernière cigarette!".
Le lendemain, c'était le Mercredi des Cendres, et donc
le début du Carême. Je "jeûnais"
à ma manière et remettais à Dieu le fait
d'arrêter de fumer. Pendant 40 jours, je le remerciai éperdument
de me rendre la tâche si facile, d'arrêter de fumer
pour moi sans que cela ne me demande aucun effort.
Depuis
lors, je n'ai plus jamais aspiré la moindre bouffée...
du moins volontairement, parce qu'il faut bien avouer qu'il est
parfois difficile de ne pas fumer lorsqu'on se retrouve dans certaines
ambiances...
Je
n'ai plus fumé, ce qui ne veut pas dire que je n'ai plus
eu envie de le faire. Dans ma tête, fumer est toujours resté
un plaisir. Particulièrement les cigarettes après
le repas, surtout en extérieur. Je sais que je me prive
d'un réel plaisir, mais je sais surtout que j'ai pu vaincre
un réel fléau. Et être
libre, libre de vivre sans combustible.
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Je
ne sais plus très bien quand j'ai bu de l'alcool pour la
première fois. Mais je devais être très jeune.
Et c'est sans doute arrivé à Namur, chez mes grands-parents.
Le vin coulait à flots pour les adultes, alors - sans doute
pour se donner bonne conscience - les enfants avaient parfois
droit à un fond de vin, coupé avec de l'eau. Si
"mettre de l'eau dans son vin" est une vertu quand on
se situe au plan moral, je crois que c'est un crime quand il s'agit
vraiment de vin... mais voilà, c'était la seule
manière d'en avoir, de faire "comme les grands"
!
Je
ne suis pas devenu pour autant un "buveur", mais inévitablement,
quand on est jeune, on se trouve dans des moments où la
bière et/ou le vin coulent. Et j'aimais bien. Même
si j'aimais moins le moment où je me couchais dans mon
lit. Lorsque j'avais exagéré, tout se mettait à
tourner, que les yeux soient ouverts ou fermés. Et j'ai
appris à vidanger le surplus. Cela n'a rien d'agréable,
mais c'est efficace. Un autre moyen efficace et plus agréable
était le gant de toilette humide posé sur le front.
Bref, j'ai quelques fois pris le bateau en mer agitée sans
avoir quitté la terre ferme !
Mais
avant cette danse perverse, il y a la béatitude. Et parfois
des moments amusants. Je me souviens d'une soirée à
Gratte où le vin ardéchois
coulait parfois d'abondance. Je devais avoir 17 ou 18 ans. Je
me souviens très bien avoir cherché mon frère
Étienne pendant
toute la soirée. Je me souviens vaguement que parfois ma
recherche se terminait par une chute non contrôlée.
Par contre, ce dont je ne me souviens pas, mais que j'ai appris
le lendemain, c'est que c'est au moins par 3 fois que j'ai été
demandé à Étienne s'il ne savait pas où
il était... Enfin, au moins je ne l'ai pas renié
par 3 fois !
Je
n'ai jamais été très amateur de bière,
mais cela ne veut pas dire que je n'en buvais pas. Vivant en communauté
avec Stephen et Caroline au début de nos années
d'instituteurs, c'est par paire de bacs que nous achetions nos
provisions. Puis, petit à petit, j'ai commencé de
plus en plus à apprécier le vin, et à en
consommer de plus en plus. Je découvris aussi le whisky...
le plus grand fléau parmi les fléaux. Je le remarquai
d'ailleurs assez vite, et je décidai sans trop de difficulté
de me passer de ce breuvage-là. Au moins celui-là...
J'en
parle à l'aise, simplement pour montrer que cela vient
comme ça, sans qu'on se rende trop compte de ce que l'on
fait. À force de boire, on résiste de mieux en mieux,
et on boit de plus en plus. On a bien sûr toujours l'impression
qu'on peut arrêter quand on veut. La belle affaire ! J'ai
appris avec le temps qu'un gars qui déclare avec un air
convaincu qu'il peut s'arrêter quand il veut, eh bien, c'est
qu'il ne le peut pas, même s'il le voulait !

Il
y a des prises de conscience bien entendu, progressives. L'une
d'entre elles eut lieu lors de ma première mission en Mauritanie,
en février 1998. J'avais pris l'habitude, lors de mon passage
au freetax, d'acheter une bouteille de... whisky ! Bien
sûr, j'y étais revenu. Cela me permettait de prendre
l'apéritif dans ma chambre avant d'aller manger accompagné
d'une bonne bouteille de vin qui terminait la soirée avec
moi. J'avoue que, naïf, je n'avais jamais imaginé
qu'il puisse être difficile dans un pays de trouver un restaurant
proposant du vin. J'avais toujours pensé et constaté
que ce qui était difficile, c'était de trouver un
resto ne servant pas de vin. Mais voilà, en Mauritanie,
c'était l'inverse. Rapidement, je compris que ma bouteille
de whisky serait quasiment ma seule source d'alcool pendant le reste de
ma mission. Il fallait rationner, et pour ne pas tomber à
court, j'ai marqué ma bouteille en divisant son contenu
par le nombre de jours. J'ai tenu le coup, sans doute aussi parce
que j'ai fini par trouver l'hôtel-restaurant
El Amane où des carafons à eau contenaient un
breuvage rouge qu'on buvait dans des gobelets métalliques,
alors que le coca était bu dans des ballons à vin
! Je suis ensuite allĂ© souvent dans cet hôtel,
mais rarement à son restaurant. Parce que le besoin n'était
plus là.
J'ai
donc fini par arrêter. Certains diront "par hasard".
Fin novembre 2000, j'ai eu la "crève". Pas possible
de manger ni de boire pendant deux jours. Le vendredi 1er décembre
2000, nous avions un bal Gaïa
à La
Tentation. J'étais malade, mais je suis quand même
allé jouer. Et boire une ou deux bières. Le
lendemain, j'étais malade, mais ce n'était plus
la crève... Je n'ai pas bu le samedi 2, et le dimanche
3, puisque je n'avais pas bu le samedi 2, je me suis dit : "Autant
ne pas boire ce dimanche 3.". Le lundi 4, ce fut le test
: j'ai mangé à midi avec Jean-Marc, et j'ai commandé...
un jus de tomate ! C'était rouge aussi, et pas mauvais
!
Depuis
lors et pendant 8 ans, je n'ai plus bu une goutte d'alcool. Je n'ai même
pas eu l'envie. Jamais. Pourquoi ? Sans doute parce que j'avais
vraiment décidé d'arrêter. Cette décision
s'était sans doute imposée à moi, mais elle était
prise. Je n'avais pas eu besoin de Dieu pour cela, comme j'en avais
eu besoin pour le tabac. Mais en fait, cela revient au même.
Simplement, une force plus forte que moi avait pris une décision
et il suffisait de s'y tenir. Cette force plus forte que moi n'est
bien sûr autre que moi. C'est la force d'être
libre, libre de vivre sans être ivre.
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