Le
8 décembre 1973, la vie tranquille de la famille Gerard bascula.
Durant la nuit, une voiture avait défoncé par l'arrière
la voiture d'Étienne, mon frère.
Il allait avoir 25 ans et moi, 20 ans.
Étienne s'est retrouvé tétraplégique. Lui,
l'apôtre de la douceur, devenait entièrement dépendant.
Mais, à travers tout, il a toujours gardé sa fierté.
Il est décédé subitement le 27 mars 2000, après
26 ans de souffrance.
J'ai
mis presque 10 ans avant d'oser mettre des mots sur cet événement.
Je n'ai jamais osé la lui chanter.
J'ai beaucoup hésité avant de l'enregistrer et ce fut
la plus dure à réaliser.
Chanson d'hommage à mon frère, à mes parents et
à tous ceux qui un jour se retrouvent rattrapés injustement
par les coups de la vie.
Une
guitare et une flûte qui toutes deux ont des échos de sirènes
d'ambulance.
Je
me souviens de ce matin d'hiver
Je me suis levé la tête pleine de rêves
C'était un jour comme un autre jour
On a d'abord dû se dire bonjour
Et c'est alors que Maman m'a dit
Tu sais Étienne n'est pas ici
Je ne sais pas très bien comment
Cette nuit il a eu un accident
Comme
les autres, j'ai été te voir
En parcourant ces immenses couloirs
Dans cette salle de réanimation
Où de la vie il n'est pas fait mention
Pendant des mois on a connu l'espoir
Qui s'envolait dès que venait le soir
Ton chez toi était cet hôpital
C'est peut-être ça qui faisait le plus mal
À
ton procès, j'ai vu un inconnu
Qui affirmait qu'il n'avait rien vu
Comme si ça pouvait l'excuser
Et qu'à ses yeux il soit pardonné
Quand les assurances ont fini leur mission
Bien sûr il y en a eu des millions
Qu'as-tu à faire de tout cet argent
Toi qui n'peux plus avoir d'enfant
On
n'peut pas dire que ta vie soit bien rose
De l'humour, il t'en faut une sacrée dose
Pour arriver à faire rire en grinçant
Ceux dont tu te retrouves dépendant
Tu n'es pas de ceux qui se démarquent
Usant du fait de leur handicap
J'crois qu'tu connais les mêmes joies
Les mêmes peines les mêmes émois
Et
maintenant tu es dans ta p'tite charrette
Tu vas tu viens mais c'est jamais bien haut
Faudrait beaucoup pour que tu t'arrêtes
Faudra sans doute la pierre de ton tombeau
Tu n'sais plus rien faire de tes dix doigts
Mais avec tes deux mains tu l'fais mieux qu'moi
J'te d'mande pardon d'y revenir
Mais c'est bien plus qu'un souvenir
Et
maintenant tu es dans ta p'tite charrette
Tu vas tu viens mais c'est jamais bien haut
Faudrait beaucoup pour que tu t'arrêtes
Faudra sans doute la pierre de ton tombeau
Tu n'sais plus rien faire de tes dix doigts
Mais avec tes deux mains tu l'fais mieux qu'moi
J'te d'mande pardon si j'en parle
Mais ça remplace les larmes
Et
maintenant tu es dans ta p'tite charrette
Tu vas tu viens mais c'est jamais bien haut
Faudrait beaucoup pour que tu t'arrêtes
Faudra sans doute la pierre de ton tombeau
Tu n'sais plus rien faire de tes dix doigts
Mais avec tes deux mains tu l'fais mieux qu'moi
J'te d'mande pardon si j'en rigole
Mais j'sais même plus si j'suis un homme
Et
maintenant tu es dans ta p'tite charrette
Tu vas tu viens mais c'est jamais bien haut
Faudrait beaucoup pour que tu t'arrêtes
Faudra sans doute la pierre de ton tombeau
Tu n'sais plus rien faire de tes dix doigts
Mais avec tes deux mains tu l'fais mieux qu'moi
J'te d'mande pardon d'en faire une chanson
Mais tu es mon frère et c'est bon