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Gratte, le village de la vie
J'y étais, avec mes 15 ans et le Poste Pionnier du Rosaire. Pour moi, dès les premières minutes, ce fut un choc qui eut une importance considérable dans ma vie. Tout simplement parce que j'y découvrais la vie... À partir de 1969 jusqu'en 1983, j'ai été chaque année à Gratte, la plupart du temps pendant deux semaines, mais parfois pour un mois ou plus, et parfois aussi plusieurs fois par an. Au total, j'ai bien dû passer au moins un an de ma vie à Gratte, durant des séjours d'été mais aussi du temps de la "Communauté de vie". Et c'est la dernière chose que je regrette. J'ai tout appris dans ce village : à bricoler, à vivre en communauté, à aimer, à vaincre mes peurs, à dominer mes émotions, à partager par la parole, par l'action, par les yeux, par le corps, par la musique, à boire, à prendre mes responsabilités, à les partager, à rire, à aller au bout d'un travail ou d'un plaisir, d'un délire ou d'un échange, à vivre...
C'est à Gratte que j'ai rencontré, (re)découvert et aimé Jean, Pierre, Étienne, Annick, Françoise, Chantal, Marc, Dries, Nadine, Geertruid, Annet, Paul, Robert, Isabelle, Iris, Anne, Christiane, Danielle, Jean-François, Jean-Claude, Claire, Xavier, Brigitte, Martine, Micheline, Margot, Luc, Joëlle, Jean-Paul, Antoine, Philippe, Astrid, Jenny, Edwige, Paul, Guillaume, Olivier, Cathy, Brigitte, Hubert, Dirk, Anny, bien d'autres encore, sans oublier bien sûr Philippe, Xavier, Alix, Bénédicte, Pierre, Vincent, Marie-Jo, Danielle, Geneviève,... ces personnes merveilleuses que la société a classé dans la rubrique "handicapé mental" ou "malade mental" ou "autiste"... Sans eux tous, je ne serais pas ce que je suis. Il est impossible de parler de tous ces moments sublimes que j'ai vécus là-bas. J'ai profondément conscience de la chance immense que j'ai eue. Rien de tel pour vivre sa jeunesse. Gratte, ce fut aussi l'asbl et les activités en Belgique. L'aménagement du 275 chaussée de Vleurgat, les soirées "maisons de jeunes", avec Étienne omniprésent, puis la permanence avec Luc et Paul. Les retrouvailles après l'été, avec notamment le duo monté avec Robert, juste avant le spectacle de Dick Annegarn, ami de Gratte et qui commençait à faire entendre "Bruxelles" dans les radios. J'avais d'ailleurs chanté avec lui, pendant l'été, un mémorable "Le plat pays" du haut des marches de l'église de Thines, ce village artisanal perdu dans la montagne à quelques kilomètres de Gratte. Ce fut encore la Communauté de la Montagne Saint-Job qui m'accueillit pendant quelques mois, en 1977, à un moment particulièrement difficile de ma vie. En 1983, les temps avaient déjà changé et ce n'était plus tout à fait la même chose. D'autres séjours eurent certainement lieu à Gratte, mais quand j'y suis revenu en 1995, de passage avec ma famille, ce fut un nouveau choc, mais cette fois sinistre. Le village était tout à fait abandonné, avait été visiblement squatté sans grand respect, et tout se déglinguait. J'avoue qu'en voyant cela, je ne savais plus trop où était la "vérité". J'avais surtout l'impression de m'être fait avoir. Avoir travaillé tant d'heures, sans compter mon énergie, pour en arriver là...
Mais quoi qu'il en soit, au-delà du village lui-même, ce qui ne disparaîtra jamais, c'est tout ce que j'y ai vécu. Quel bonheur !
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