Vie
Vie et mort
Du plus loin que je me souvienne, il y a la mort.
J'avais 4 ans et demi. Mon grand-père maternel est mort, juste un mois après l'ouverture de l'Exposition universelle de Bruxelles. Avec mon papa, nous sommes allés le voir. Non seulement le voir, mais aussi le toucher. Il était dans son lit, les mains jointes serrant un crucifix.
Papa m'a dit de toucher ces mains. Figées pour l'éternité.
C'est le premier souvenir que j'ai, si fort qu'il a effacé tous les autres. Sauf peut-être ce qui semble n'être qu'une lointaine image furtive, celle de mon autre grand-père - décédé 2 ans plus tôt d'un cancer qui détruisait sa gorge, sa bouche... image furtive, peut-être fausse, d'une écharpe protectrice. Et de toute façon, là aussi, la mort.
Faut-il confronter un enfant à la mort de manière aussi directe ? Car toucher le corps inerte d'un être aimé, ce n'est pas rien. Mon papa voulait certainement bien faire, me permettre un dernier au revoir à Grand-Papa de Bruxelles. Mais cette image m'a hanté longtemps, encore maintenant.
Quelques années plus tard, j'écrivais mon premier poème - très mauvais -, mais aussi très sinistre. Il s'appelait "La mort de maman". Dire que très fier de moi, je l'avais affiché dans la salle à manger ! Je n'avais pas conscience de ce que j'écrivais, car la mort m'accompagnait depuis toujours. Plus tard encore, j'intitulerai mon premier recueil de poésie, jamais publié, "Mort et amour".
Fallait-il m'obliger - car c'est ainsi que je l'ai ressenti - à toucher mon grand-père ? Je ne sais pas. Mais je sais que cet événement me suivra jusqu'à mon dernier jour. Mon premier souvenir est ce que je serai au bout du compte. Inéluctablement.
