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Qu’en est-il vraiment de la méthode Chaboteau ?

Vincent CARETTE, ULB
Alain COLSOUL, Haute Ecole L.De Brouckère
Bruno DE LIÈVRE, UMons
François-Marie GERARD, BIEF
Sabine KAHN, ULB
Bernard REY, ULB
Xavier ROEGIERS, UCL
Philippe TREMBLAY, ULB
Sylvie VAN LINT, ULB

Références : CARETTE, V., COLSOUL, A., DE LIÈVRE, B., GERARD, F.-M., KAHN, S., REY, B., ROEGIERS, X., TREMBLAY. P. & VAN LINT, S. (2009). Qu’en est-il vraiment de la méthode Chaboteau ?, La Libre Belgique, 30 novembre 2009, pp. 46-47.

Vendredi 6 novembre paraissait dans "La Libre", l’article d’un étudiant en journalisme de la Haute Ecole Galilée qui fustigeait le concept de compétence et d’évaluation du même nom. En effet, en vue d’harmoniser les formations et d’ainsi favoriser la mobilité des étudiants dans le cadre de la réforme de Bologne, les autorités élaborent des référentiels de compétences et tentent d’imposer une réelle évaluation de compétences dans l’enseignement supérieur. Dans un souci de clarification, nous voudrions tenter d’expliciter tant l’utilisation du concept de compétence en pédagogie que le processus de réforme qui est en marche à tous les niveaux d’enseignement tant en Communauté française de Belgique qu’en Europe.
Pour reprendre, à notre compte, la citation faite d’Arthur Masson dans son Toine Culot nous dirons : "Non, la méthode Chaboteau n’a PAS fait ses preuves !" Les taux d’échecs et de décrochages scolaires, le nombre d’élèves quittant l’enseignement sans certification ne cessent d’augmenter. Notre jeunesse peine à se construire une identité consciente de ses forces comme de ses faiblesses; nos jeunes manquent de confiance en eux comme dans l’avenir. Notre enseignement n’a toujours pas pu se défaire de l’accusation de reproduction sociale : ce ne sont ni les efforts fournis, ni les dispositions intellectuelles qui déterminent la réussite scolaire, mais bel et bien l’appartenance à une classe sociale déterminée.
Parallèlement, notre société a un besoin accru de vrais citoyens critiques, de plus en plus formés, pour répondre à tous les défis du XXIe siècle. C’est dans ce contexte précis qu’apparaît le concept de compétence. Loin de renier l’importance des savoirs, la compétence vise un niveau supérieur de maîtrise : elle exige non seulement l’acquisition rigoureuse des connaissances, mais également une analyse personnelle, une mise en relation des savoirs qui les rend bien plus opérationnels. Les compétences dépassent les savoirs en les intégrant dans un contexte par rapport auquel ils prennent du sens. Le concept de compétence introduit donc un plus haut niveau d’exigence et non pas un nivellement par le bas.
Il n’existe pas de compétence sans connaissances. Les savoirs sont les ingrédients de base indispensables de toutes les compétences. Seulement, tout cuisinier sait que si les bons ingrédients sont essentiels, ils ne font pas tout ! En tant que futur journaliste, par exemple, comment être déclaré compétent pour écrire un article d’opinion si non seulement les règles de grammaire, d’orthographe mais également les contenus liés à la thématique abordée ne sont pas acquis ? Reproche est fait également de mener une politique de centration sur les compétences "professionnellement utiles" au détriment de la construction d’une "base de connaissances solides".
Outre l’impossibilité de l’acquisition d’une compétence en dehors des savoirs, l’enseignement, au sens noble du terme, vise l’éducation au-delà de l’instruction. L’étudiant est non seulement un futur professionnel, mais également un citoyen de la société de demain. Le concept "d’utilité" n’est donc pas à comprendre dans une acception uniquement pratique et concrète, mais bien dans l’opérationnalisation des savoirs qui sera visée.
La seule association de la date, universellement connue, de "1515" à "la bataille de Marignan" n’est en rien une compétence, mais si cette association permet d’analyser les conséquences d’une guerre éclair qui assoit la gloire d’un roi et entraîne le développement culturel et artistique du royaume, il en va tout autrement. C’est donc bien grâce aux savoirs qu’une compétence peut se développer. Quant aux compétences "professionnellement utiles", il est clair qu’il faut rester vigilant face à certains cadres officiels qui peuvent tendre vers une réduction du rôle éducatif de l’école, notamment en minimisant l’importance du développement de l’esprit critique de l’élève. Un autre raccourci fréquent consiste à penser que le but ultime de l’enseignement peut continuer à être la maîtrise d’une somme de savoirs et de savoir-faire et que, dès lors, ce sont surtout ces derniers que l’école doit évaluer. Or il est clair que le fait d’être en mesure de traduire des listes de mots de vocabulaire ne permet pas de mesurer la compétence en langue. Au cours de l’apprentissage, l’élève aura à apprendre du vocabulaire, des temps primitifs et même des règles de grammaire.

Ces connaissances sont bel et bien indispensables, mais ce ne sera pas par l’énonciation de ces savoirs qu’on pourra évaluer l’apprentissage. Le but de l’apprentissage d’une langue est bien la compétence de communication tant orale qu’écrite. La compétence telle que définie dans les référentiels est donc le point d’arrivée attendu. La méthodologie pour arriver à construire ces compétences relève de la liberté de chaque formateur et l’étude de listes de vocabulaire n’a jamais été interdite. L’enseignant a donc les mains libres quant aux chemins à emprunter, aux méthodes à utiliser, mais il doit mener les étudiants jusqu’au niveau de la compétence qui ne s’apprend pas toute seule. La liberté méthodologique est d’ailleurs un des piliers de l’enseignement en Communauté française de Belgique depuis la guerre scolaire. La "nouveauté" réside dans la définition du seuil d’exigence à l’issue de l’apprentissage et cela implique des modifications tout au long du cursus scolaire. Quant aux modalités concrètes de l’évaluation, il est vrai qu’il s’agit d’être attentif tant à la cohérence des épreuves qu’aux modalités pratiques de passation. Toutefois, la priorité de l’enseignement est bien l’apprentissage et non l’évaluation. Il convient donc de dépenser le maximum de temps et d’énergie dans la construction effective de l’apprentissage pour le plus grand nombre et jusqu’au niveau de compétence. Bien préparés, compétents, nos étudiants n’auront pas à craindre l’évaluation finale. Gardons à l’esprit que l’objectif premier de l’enseignant, tout comme de l’étudiant, n’est pas la réussite d’un test, mais bien l’apprentissage "pour la vie". En espérant avoir contribué à une explicitation concise de quelques concepts, nous, "mandarins de la pédagogie", plus souvent dans les salles de classe et de professeurs que dans les salons, reconnaissons un manque de transparence et de communication claire, mais regrettons un certain anti-pédagogisme ambiant qui pénalise toute la Communauté éducative.

 


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