Un dispositif intégré pour l'évaluation des acquis des élèves de 7e année à Madagascar
François-Marie GERARD
IntroductionDans le cadre de la mise en œuvre du Plan Éducation pour Tous, le Ministère de l’Éducation Nationale de Madagascar a entrepris une réforme du système éducatif. Dès 2003, des travaux – accompagnés par le BIEF – ont permis de réorganiser les curriculums pour passer d’une pédagogie par les contenus et les objectifs à une approche par les compétences (APC) au niveau de l’école primaire. Cette approche a été généralisée à toutes les écoles primaires en 2008, avec des résultats très positifs (Gerard & Roegiers, 2011). Depuis 2009, le Certificat d’Études Primaires Élémentaires (CEPE) est délivré sur la base d’un examen évaluant les savoirs et savoir-faire de manière traditionnelle, mais aussi les compétences, à travers des situations complexes. Depuis l’année scolaire 2008-2009, une nouvelle réforme est expérimentée dans 20 CISCO, sur les 111 circonscriptions scolaires de la République. Dans les écoles concernées, le primaire est passé de 5 ans à 7 ans. De nouveaux curriculums ont été élaborés, selon une approche par les situations (APS). Étant donné la situation politique de Madagascar, la réforme n’a jusqu’à présent pas été étendue à d’autres CISCO, mais les curriculums des 7 années ont été élaborés et sont mis en œuvre dans les classes concernées. Pour évaluer les acquis des élèves de 7e année issus de cette réforme, un dispositif d’évaluation a été élaboré et expérimenté par le Service de la Conception, de l’Encadrement et de l’Évaluation (SCEE) de la Direction générale de l’Enseignement fondamental et de l’Alphabétisation (DGEFA), avec le soutien de l’UNICEF et l’appui technique du BIEF. Présentation du dispositif d’évaluationLorsque les membres du SCEE se sont posé la question de l’évaluation des acquis des élèves de 7e année, ils ont rapidement pris conscience de la nécessité d’un dispositif varié, car – pour tenir compte des objectifs de la réforme – il fallait évaluer une pluralité d’objets :
En d’autres termes, le dispositif à élaborer ne devait pas seulement mesurer la quantité de savoirs acquis par l’élève. Il devait aussi mettre en valeur les compétences, et notamment la capacité à analyser une situation concrète, à construire un raisonnement et à adopter un comportement pour résoudre le problème que cette situation pose. La définition du profil de sortiePour affiner les objets à évaluer, le SCEE – en collaboration avec des représentants d’autres directions et en particulier de la Direction des Curriculums et des Intrants (DCI) – a dégagé un profil de sortie de l’élève de 7e année, en se fondant sur différents documents .
Tableau 1 - Profil de sortie de 7e année Ce profil a servi de base pour élaborer le dispositif d’évaluation, en permettant de dégager des modalités complémentaires d’évaluation. Le dispositif d’évaluationLes acteurs malgaches ont estimé que tous les énoncés du profil devaient faire l’objet d’évaluations formative et certificative. Pour chaque énoncé, les modalités possibles d’évaluation ont été identifiées, en fonction de la spécificité de l’énoncé. Parmi ces modalités possibles, une modalité préférentielle a été identifiée pour chaque énoncé. Cette modalité préférentielle n’exclut pas les autres, mais elle est celle qui apparaît comme réunissant les meilleurs degrés de pertinence, de validité et de faisabilité pour évaluer l’énoncé concerné selon chaque fonction de l’évaluation. Le dispositif d’évaluation des acquis des élèves de 7e année est dès lors un ensemble cohérent de modalités et d’outils destinés à évaluer les progrès des élèves dans le cadre de la mise en œuvre de la démarche d’apprentissage. Le dispositif est structuré autour de quatre modalités d’évaluation complémentaires les unes aux autres :
Tableau récapitulatif des modalités d’évaluationLe tableau suivant reprend les quatre modalités du dispositif d’évaluation en mettant en évidence un certain nombre de caractéristiques.
Tableau 2 - Tableau récapitulatif des modalités d’évaluation Analyse comparative des modalitésLes quatre modalités d’évaluation sont complémentaires les unes aux autres. Elles se situent dans un continuum selon certaines dimensions essentielles de l’apprentissage et de l’évaluation :
Figure 1 - Analyse comparative des modalités Les quatre modalités d’évaluation peuvent aussi être rangées dans le même ordre, mais de manière contrastée, en fonction des trois qualités essentielles de toute évaluation : la pertinence, la validité et la fiabilité. En prolongement de ce que De Ketele & Gerard (2005) ont pu mettre en évidence, on peut montrer que – dans le cadre de la démarche pédagogique expérimentée par la réforme du système éducatif malgache – les modalités les plus pertinentes sont la confrontation à une situation réelle à problèmes et les mini-projets, mais aussi que ces modalités posent des difficultés en termes de validité et de fiabilité. Pour réduire ces difficultés de validité et de fiabilité, qui sont propres à de nombreux outils ouverts d’évaluation, il convient de déterminer ce que Gerard (2006) a appelé des « clés de fermeture » - notamment grâce à des grilles d’observation construites sur des critères et des indicateurs précis – afin de bien cadrer ces modalités, de définir leur portée et le sens qu’elles apportent à l’évaluation. Utilisation du dispositif d’évaluationEn juin 2010, une première expérimentation d’un dispositif d’évaluation des acquis des élèves de 7e année a été réalisée, mais elle portait uniquement sur la modalité « Mini-projets » et avait une portée exclusivement collective. Cette expérimentation a cependant permis de dégager des observations concrètes qui ont aidé l’élaboration plus complète du dispositif. En juin 2011, le dispositif complet a été testé dans 6 CISCO (sur les 20 CISCO expérimentales). L’objectif de ce test était avant tout de vérifier la validité et la faisabilité du dispositif. À la suite de ce test, un grand travail a été accompli pour améliorer les outils utilisés, notamment en termes de validité et de fiabilité. En juin 2012, le dispositif devrait être utilisé pour réaliser l’évaluation certificative des élèves des 20 CISCO. Dans le même temps, le dispositif devrait permettre de réaliser une étude comparative entre les acquis des élèves de « 7e année » (ceux de la réforme) et ceux des « classes de 5e » (ceux des classes suivant les curriculums traditionnels). Cette étude comparative devrait permettre de mieux analyser et comprendre certains constats qui ont été observés sur la base des résultats obtenus en juin 2011. Notamment, de manière relativement paradoxale par rapport aux travaux réalisés dans le cadre de l’évaluation des compétences (Gerard & BIEF, 2008 ; Gerard & Roegiers, 2011 ; Rey, Carette, Defrance & Kahn, 2003 ; Roegiers, 2004 ; Scallon, 2004), il est apparu que les résultats les moins performants ont été obtenus pour la modalité « Évaluation classique des ressources » (M1), alors que les résultats pour la modalité « Évaluation par situation complexe » (M2) étaient meilleurs. Assez logiquement par contre, on a pu observer les meilleurs résultats pour l’évaluation par « Mini-projets » (M4), comme le montre le graphique suivant. Figure 2 - Distribution des résultats selon les modalités, lors de l'expérimentation du dispositif L’opération de juin 2011 visait l’expérimentation du dispositif. Sur la base de celle-ci et des informations recueillies, il n’est pas possible d’analyser ces résultats paradoxaux de manière suffisamment fine et valide. L’étude comparative entre la population concernée par la réforme pédagogique et un échantillon témoin composé d’écoles non impliquées dans la réforme devrait permettre de recueillir l’information nécessaire pour mieux analyser ces éléments. ConclusionLa principale qualité du dispositif d’évaluation des acquis des élèves de 7e année de Madagascar réside vraisemblablement dans la diversité des modalités et des outils d’évaluation mis en place. Face à une réforme pédagogique qui vise le développement de différentes dimensions – depuis l’acquisition de savoirs et de savoir-faire typiquement scolaires jusqu’à des changements de comportement en termes d’autonomie, de responsabilité et de citoyenneté en passant par le développement d’une méthode d’analyse de situations réelles à problèmes afin de leur apporter des améliorations – les acteurs malgaches ont choisi de n’éluder aucune de ces dimensions, mais d’élaborer des instruments permettant de les prendre chacune en compte. Inévitablement, le dispositif est complexe. Il nécessite des investissements importants non seulement pour la conception des outils, mais aussi pour la formation des enseignants qui sont appelés à les mettre en œuvre. Dans un pays où les difficultés de tout ordre ne manquent pas, le dynamisme et l’engagement des acteurs ne suffisent sans doute pas pour déboucher sur des outils parfaitement pertinents, valides et fiables. Néanmoins, l’utilisation du dispositif sur le terrain a pu montrer non seulement sa capacité à évaluer les acquis des élèves, mais aussi à participer à la formation des enseignants et par là à celle de leurs élèves. Références et bibliographieDe Ketele, J.-M. & Gerard, F.-M. (2005). La validation des épreuves d’évaluation selon l’approche par les compétences, Mesure et Évaluation en Éducation, Volume 28, n°3, 1-26. Les finalités de l’éducation suggérées par la « concertation technique de juin 09 » ; le projet de profil de sortie de 7e année, défini en février 2008, dans le document « Cadre d’orientation du curriculum » ; le projet de profil de sortie de fin de primaire, défini en juin-juillet 2005, dans le cadre de l’APC.
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