L’efficacité est-elle soluble dans la formation ?
Diagnostic, enjeux et perspectives du concept d’efficacité en formation François-Marie GERARD
Au 21e siècle, la rentabilité des organisations professionnelles est une exigence largement présente qui oriente et organise de manière intensive toute l’activité des entreprises publiques ou privées. D’un autre côté, les nombreux dispositifs d’insertion nous rappellent l’existence de publics à risque pour lesquels l’absence de qualification est trop souvent un lourd handicap. Dans ce contexte, viser l’efficacité des formations professionnelles devrait aller de soi. Est-ce le cas ? On en parle évidemment beaucoup, tel un discours politiquement correct. Mais l’efficacité est-elle à ce point soluble dans la formation qu’on ne la voit pas vraiment quand on observe un système de formation, à la manière d’un sucre dissous dans le café ? Certes, on ne le voit plus, mais le café est sucré… L’efficacité n’est sans doute pas très visible, mais cela ne veut pas dire pour autant que la formation n’est pas efficace. Ce qui ne signifie d’ailleurs pas qu’elle l’est ! « Soluble » ne signifie pas seulement « qui peut être dissous », mais aussi « qui peut être résolu ». La question « L’efficacité est-elle soluble dans la formation ? » prend alors un autre sens, une autre dimension. L’efficacité de nos entreprises ne trouvera-t-elle pas son meilleur levier dans la formation ? Celle-ci n’est-elle pas indispensable pour rendre les organisations humaines et l’insertion socio-professionnelle pleinement efficaces ? Si c’est le cas, il est sans doute d’autant plus important de s’attacher à l’efficacité de la formation elle-même. En réalité, il est légitime de penser qu’il s’agit d’adopter un nouveau paradigme, connu depuis longtemps mais que les systèmes de formation professionnelle, et peut-être singulièrement le système français, peinent à mettre en œuvre : l’enjeu est de passer d’une formation « obligation légale » à une formation génératrice de véritables compétences, de véritables changements, eux-mêmes générateurs d’insertion, de performance, de productivité et de compétitivité. Pour cela, la formation doit être réellement efficace, que ce soit au niveau des entreprises ou des dispositifs d’insertion, de la société et du système social dans son ensemble.Se poser la question de l’efficacité, c’est dès lors se poser la question de la redevabilité des acteurs de la formation vis-à-vis des bailleurs, des financeurs et des commanditaires de la formation, mais aussi des financeurs et des commanditaires vis-à-vis des collectivités et de la société dans son ensemble. 1. Vous avez dit « efficacité » ?Une difficulté majeure lorsqu’on parle d’efficacité de la formation est que tout le monde ne parle pas de la même chose, non seulement en fonction de différentes postures qu’on peut avoir dans le système – comme cela sera développé plus loin – mais aussi parce que le concept même d’efficacité peut avoir des sens divers et peut se confondre avec d’autres concepts qui y contribuent. Un premier propos est donc d’essayer de clarifier rapidement ce qu’on peut entendre derrière les concepts fondamentaux de la problématique, avant de les approfondir. L’efficacité d’une formation est liée à l’atteinte de ses objectifs. On ne peut donc parler d’efficacité d’un système de formation – et cela que ce soit à un niveau collectif ou individuel - qu’en relation avec les objectifs de la formation, ou encore avec les effets attendus sur le terrain, c’est-à-dire les répercussions que cherche à avoir tout système de formation au profit de l’organisation, voire des individus, dans laquelle il prend place (Gerard, 2001, 2003 ; Roegiers, 1997). Une formation ou un système de formation sera efficace
L’efficience est un concept souvent confondu avec l’efficacité, notamment du fait de la langue anglaise pour laquelle le mot « efficiency » signifie « efficacité » ! L’efficience concerne le rapport entre l’efficacité et les moyens investis. On parle aussi souvent du rapport « coût/efficacité », ou plus correctement du rapport « efficacité/coût », mais cette formulation est limitative, car elle tend à faire croire que l’efficience n’est liée qu’aux aspects financiers, alors qu’elle peut concerner tous les types de ressources : institutionnelles, humaines, matérielles, financières, spatiales, temporelles ou encore méthodologiques. La pertinence d’une formation signifie que les objectifs de la formation sont ceux qui sont nécessaires. Cela concerne non seulement les objectifs en termes de contenus et/ou de compétences, mais aussi en termes de public-cible : une formation est pertinente si ce sont les personnes qui doivent être formées qui le sont. Il est légitime de penser à cet égard que ce sont les personnes les moins formées et les moins qualifiées qui devraient être formées en priorité… La qualité de la formation peut être comprise, au sens large, comme le fait que la formation, et plus largement le système de formation, satisfait à un certain nombre d’exigences, dont la pertinence, l’efficacité, l’efficience, mais aussi l’équité, l’adhésion, la cohérence… (Gerard, 2001 ; De Ketele & Gerard, 2007). Au sens restreint, un système de formation sera de qualité s’il correspond à un certain nombre de normes, de type AFNOR ou ISO. Paradoxalement, il n’est pas interdit de penser que l’application rigide de ces normes perçues parfois comme formelles risque de dénaturer la véritable qualité des systèmes de formation. La performance est le résultat ultime de l’ensemble des efforts d’une organisation. S’il s’agit d’un système ou d’un organisme de formation, leur performance, aussi appelée efficacité interne, sera liée aux résultats qu’ils atteignent : le nombre de réussites, de redoublements, d’abandons, les niveaux de diplômes, etc., mais aussi les niveaux atteints par les stagiaires en cours de formation dans les différentes matières d’enseignement ou la comparaison entre les profils de compétences atteints à la sortie par rapport à ceux d’entrée. L’évaluation, enfin, est un processus qui consistera toujours à comparer une réalité à des critères, en vue de prendre des décisions, qu’elles soient de certification, d’orientation ou de régulation. L’évaluation doit être clairement différenciée du contrôle qui vise à vérifier l’adéquation à certaines normes. Autant le contrôle doit être tout à fait objectif, autant – par définition – il y a dans l’évaluation toujours une part de subjectivité, au sens noble du terme (Gerard, 2002). L’évaluation consiste à donner du sens (Ardoino, 1976) et – selon son étymologie latine e-valuere – à faire sortir la valeur de ce qui est évalué. 2. Les acteurs de la formation se préoccupent-ils de son efficacité ?En novembre 2003, l’AGEFOS PME Nord Picardie, en liaison avec la section Picardie de l’ANDCP et l’Association des diplômés de l’I.C.G. Picardie Champagne Ardenne, a organisé une large enquête auprès des entreprises de Picardie sur le thème de la « mesure de l’efficacité de la Formation » (Gueulle, Desgraupes & Gerard, 2003). Cette enquête basée sur des entretiens auprès de plus de cent entreprises (petites et grandes) et de vingt-quatre organismes de formation ou consultants en ressources humaines visait à recenser les pratiques en matière de formalisation de plans/programmes de formation, et d’évaluation de l’efficacité des actions de formation mises en place. Les résultats issus de cette enquête, dont nous ne reprenons ici que quelques-uns, ne sont sans doute pas généralisables à l’ensemble des entreprises françaises, mais elles apportent néanmoins un éclairage intéressant :
Les résultats issus de l’enquête auprès des organismes de formation et autres consultants en ressources humaines vont dans le même sens. Si les personnes interrogées sont presque unanimes pour considérer la formation comme un investissement, le « retour d’investissement » de la formation ne semble pas devoir être mesuré, du moins de manière systématique. Les évaluations proposées ou appuyées par les organismes de formation ou de conseil concernent :
Ce dernier constat est intéressant, car il explique en partie les difficultés liées à l’évaluation de la formation : les différents acteurs semblent se renvoyer la balle, supposant que c’est à l’autre de faire sa part d’évaluation.On sait que ce sont les meilleures conditions pour qu’il n’y ait pas d’évaluation… En conclusion, et même si les résultats issus de cette enquête n’ont pas de portée totalement généralisable, il semble bien que si le souci de l’efficacité des formations est présent tant du côté des entreprises que des opérateurs de formation, il n’y a pas d’opérationalisation généralisée de dispositifs d’évaluation qui permettrait d’attester de cette efficacité, aux différents niveaux auxquels elle peut intervenir. Tout se passe comme si tout le monde avait conscience de l’importance et de la nécessité de l’investissement formation, perçu comme tel par tous les acteurs, mais que la mise en œuvre de moyens opérationnels pour estimer le retour d’investissement n’est pas réalisée, soit parce que les outils à utiliser n’existent pas, soit parce que chacun pense que c’est l’autre qui va réaliser cette évaluation, soit parce qu’il est supposé qu’il va de soi que l’investissement en formation est inévitablement suivi d’un retour, soit enfin parce que – même s’il n’y avait pas de retour d’investissement – cela ne changerait rien à la nécessité de former. L’efficacité serait donc bien soluble dans la formation : elle est importante, mais il ne serait pas nécessaire de la voir ! 3. La formation efficace, une question de posturesNous l’avons dit, il importe de sortir de la logique de la formation « obligation légale », de celle de « former pour former », de « former pour dépenser des budgets ». Le poids institutionnel étant ce qu’il est, ce n’est pas nécessairement évident. Mais c’est une nécessité pour les organisations, pour la société. La formation doit être un moyen de répondre aux besoins de la société et de ses membres. Former pour investir. L’efficacité d’un système de formation continue ne peut se lire qu’en relation avec ses finalités, avec les fonctions qu’elle poursuit, mais aussi avec les référents des besoins auxquels la formation est censée apporter une réponse (Malassingne, 2007 ; Roegiers, 1997 ; Santelmann, 2004). À cet égard, les conceptions ont fortement évolué depuis la moitié du 20e siècle jusqu’à nos jours. Il est important de cerner cette évolution, car c’est en fonction des finalités d’un système de formation qu’on peut savoir de quelle efficacité il est question quand on déclare attendre que le système soit efficace. Notre perspective s’articule autour de quatre questions de base. Selon les réponses qu’on apportera à ces questions – et les réponses peuvent être multiples –, on adoptera des postures différentes qui donneront des accents divers par rapport à la problématique de l’efficacité de la formation. Il est donc essentiel de bien cerner ces différentes questions pour comprendre les postures qui peuvent être adoptées :
Ces grandes questions ont des dimensions politiques, auxquelles il faut répondre pour savoir ce qu’on fait et orienter le système. Mais elles ont aussi des implications concrètes. Selon les réponses qu’on y apportera, on choisira
Selon le positionnement qu’on aura à chacune de ces questions, on ne donnera pas le même sens à l’efficacité de la formation, on aura des enjeux différents et des postures différentes… finalement, quand on parle d’efficacité de la formation, on ne parle pas nécessairement de la même chose, parce que peut-être qu’on ne donne pas le même sens, la même portée au concept « formation ». 3.1. Pour quoi ? ou les fonctions de la formation continueLorsqu’on cherche à cerner les objectifs poursuivis par un processus de formation continue, on peut articuler la réflexion autour de deux dimensions, l’une ayant trait à la conception du travailleur que l’on cherche à développer, l’autre à la position du processus de formation par rapport au lieu de travail (Gerard, Lavendhomme & Roegiers, 1997).Selon la première dimension, un processus de formation continue peut chercher de manière préférentielle à rendre le travailleur
3.1.1. Fonction de professionnalisationPar cette fonction, la formation continue vise essentiellement le développement des capacités professionnelles orientées vers la productivité et l’entraînement de compétences existantes et requises par la profession (Le Boterf, 1991, 1992), quel que soit le lieu de travail. Poursuivent cette fonction toutes les activités de formation qui visent
Selon cette fonction, on pourrait définir la formation continue comme un processus qui permet d’entretenir ou de réactualiser des capacités et compétences nécessaires à l’exercice d’une profession déterminée. L’efficacité est essentiellement perçue à court ou à moyen terme : ce qui importe, c’est que l’individu puisse trouver un emploi et que le travailleur ait les compétences directement liées à son métier, et cela de manière permanente, donc y compris en les adaptant aux évolutions techniques du métier. La formation sera efficace si la personne formée maîtrise toutes les compétences nécessaires pour l’exercice de son métier, quelle que soit l’entreprise pour laquelle il travaille. La formation continue, dans cette perspective, est dans le prolongement direct de la formation initiale : on forme à un métier dont on doit tout maîtriser. 3.1.2. Fonction d’adaptation professionnellePar cette fonction, la formation continue vise essentiellement à former un bon professionnel bien intégré dans son lieu de travail. Dans ce cas, la formation continue veille à adapter un niveau de compétences actuel à un autre niveau de compétences requis par l’exercice de la profession dans un milieu de travail précis. L’écart entre les compétences actuelles et les compétences requises peut être lié à des contraintes d’évolution de la profession ou du cadre législatif, à l’apparition d’un problème courant ou ponctuel dans l’organisation (modification des procédures de travail, acquisition d’un nouvel appareil, faiblesse du management, insatisfaction des clients...) ou à un projet de changement dans l’organisation (nouvelle chaîne de production, nouveau service offert à la clientèle, introduction de l’utilisation rationnelle de l’énergie...). La formation continue vise à acquérir une maîtrise qui peut prendre deux directions complémentaires : spécialisation (acquisition de compétences spécifiques et pointues en rapport étroit avec la profession, par exemple maîtrise d’une machine-outil particulière) ou polyvalence (acquisition de compétences complémentaires à celles requises par la profession, par exemple des compétences de formateur pour un mécanicien amené à contribuer au sein de son garage à la formation des jeunes collègues). Selon cette fonction, on pourrait définir la formation continue comme un processus qui permet à un professionnel d’adapter ses compétences aux exigences spécifiques d’un métier dans une organisation donnée, afin de se spécialiser dans un domaine ou au contraire d’élargir son champ d’intervention. Dans cette perspective, l’efficacité de la formation est liée à l’efficacité du travailleur sur son poste de travail. C’est une efficacité à moyen terme. La formation sera efficace si le travailleur met en œuvre sur son poste de travail les démarches et les processus nécessaires, même s’ils ne sont pas directement liés à son métier. 3.1.3. Fonction d’engagement professionnelCette fonction a pour objet principal l’adéquation entre le travailleur et son milieu de travail avec une visée transformatrice et anticipative. Par ce type de fonction, la formation continue doit permettre de gérer le changement et la transformation de trajectoires personnelles, professionnelles ou sociales dans l’organisation : promotion, réorientation selon les besoins de l’entité, gestion de nouvelles technologies dans l’entité, réponses à l’évolution de la recherche… La dimension collective d’un groupe en formation est une caractéristique de ce type de formation. On y vise, au sein d’une organisation,
Selon cette fonction, on pourrait définir la formation continue comme un processus par lequel un travailleur peut se changer ou se transformer de manière dynamique pour devenir acteur du projet de son milieu de travail. L’efficacité, selon cette fonction, est à moyen ou à long terme et ne se situe pas tant au niveau du travailleur que de l’organisation. La formation sera efficace non seulement si la personne formée peut participer au développement de son organisation, mais aussi et surtout si l’organisation elle-même peut se développer, évoluer, répondre aux exigences et aux défis du marché… 3.1.4. Fonction de régulation socio-professionnelleC’est la fonction qui permet de faire face au changement, à la nouveauté, comme la réorientation du projet professionnel, que celle-ci soit subie ou choisie. Elle pose des questions comme « Quel est mon projet professionnel ? », « Quel est mon projet de vie ? », « Comment articuler les deux ? ». Elle envisage le travailleur comme un acteur de changement avec la possibilité d’une mobilité par rapport au lieu de travail. Cette fonction de la formation correspond particulièrement bien au concept d’« Éducation tout au long de la vie » introduit par la Commission européenne, au sens où l’éducation et la formation tout au long de la vie absorbent la totalité de la formation et « devraient à la fois mettre l’accent sur l’apprentissage qui va de l’enseignement préscolaire jusqu’à l’après-retraite, et couvrir toute forme d’éducation, qu’elle soit formelle, non formelle ou informelle » (Commission européenne, 2001). Selon cette fonction, on pourrait définir la formation continue comme un processus qui permet à un travailleur de prendre du recul par rapport à sa pratique et de repenser ou repositionner son projet professionnel. L’efficacité ne peut être perçue qu’à long terme. À un niveau individuel, la formation sera efficace si la personne formée peut se développer et trouver son épanouissement. À un niveau collectif, ce n’est pas tant l’impact sur son entreprise ou son organisation professionnelle qui importe, mais l’impact sur la société dans son ensemble. La formation sera efficace si elle contribue à créer une société plus épanouie, ouverte, en prise avec son temps.
3.2. Comment ? ou les logiques d’orientation du systèmeDeux logiques peuvent orienter un système de formation continue, que celui-ci se situe, pour reprendre la classification d’Ardoino (1966), à un niveau macro-social, c’est-à-dire à l’échelle d’un pays, ou à un niveau organisationnel, au sein d’une entreprise ou d’une organisation. Afin d’être le plus opérationnel possible, nous présentons ci-après les deux logiques en nous situant exclusivement au niveau organisationnel, mais il peut être important de transposer à l’échelle du pays, notamment dans le cadre institutionnel complexe français. 3.2.1. La logique centralisatriceSelon cette logique, le principal acteur est le service — ou le responsable — de formation, et à travers lui, l’organisation elle-même. Celui-ci doit légitimer son existence. Il est dès lors dans sa responsabilité de proposer et de structurer un système de formation continue. À cette fin, il élabore un plan de formation tenant théoriquement compte des besoins de l’entité et met en œuvre un programme de formation sophistiqué. Dans la pratique, ces plans de formation sont souvent réalisés sur la base des catalogues des opérateurs de formation, dans lesquels le responsable de la formation, en collaboration avec les chefs de services, va piocher de manière plus ou moins intuitive. Que la formation soit perçue comme un réel investissement ou comme une obligation à organiser de la meilleure manière possible, elle passe par l’élaboration d’une offre de formation continue. L’efficacité de cette offre de formation sera étroitement liée à sa pertinence : l’offre de formation permet-elle de répondre aux besoins de l’organisation ? Par la suite, évaluer l’efficacité des actions de formation devrait consister avant tout à vérifier que les besoins sont satisfaits. Malheureusement, cette vérification n’est pas souvent réalisée, car elle n’entre pas dans la préoccupation de légitimation de la centralisation du système de formation. Les responsables de formation continueront souvent à se préoccuper essentiellement de légitimer leur existence en montrant que l’offre de formation correspond à la demande – et donc qu’il y a de nombreuses inscriptions aux activités proposées – et qu’elle permet de satisfaire les attentes des participants, principalement grâce à des questionnaires de satisfaction. 3.2.2. La logique décentralisatriceSelon cette logique, le principal acteur est l’individu. Le personnel des entreprises où fonctionne ce type de logique peut se former, mais cela se réalise à partir de demandes précises, non spécialement articulées entre elles. Un service de formation peut exister, mais sa fonction première est alors de permettre la réalisation des demandes individuelles, sans nécessairement chercher à programmer la formation. Ce système, plus ancré dans les besoins immédiats et/ou personnels, est donc marqué par la logique dela demande de formation. Qui plus est, cette demande est — par essence — large, infinie, multiple, et ne rencontre pas a priori la logique de l’offre. Le souci d’efficacité est relativement éloigné de cette logique décentralisatrice, d’autant plus qu’une grande partie de la formation échappe de toute façon au système, dans la mesure où de toute façon les personnes se forment de manière informelle. L’efficacité se situe essentiellement à un niveau individuel, sans être nécessairement liée à une efficacité au niveau de l’organisation. L’individu souhaite que son projet personnel soit réalisé, mais aussi qu’il puisse trouver des outils de formation de qualité, qu’il puisse chaîner son parcours d’apprentissage grâce à des passerelles et des financements ad hoc, que les actions soient adaptées à ses besoins et à son rythme et qu’elles puissent soutenir sa motivation. À long terme, il est permis de penser que ce développement personnel contribue au développement de l’organisation ou de la société, sans que cela puisse jamais être mis en évidence de manière tangible étant donné la dispersion de la demande. Sous la pression européenne de l’Éducation tout au long de la vie, il existe une tendance à privilégier désormais cette logique décentralisatrice, mais ce n’est pas toujours évident pour des systèmes historiquement fondés sur la centralisation, comme c’est le cas de la France. Même une régionalisation de la formation professionnelle peut rester une approche centralisatrice : seul le niveau change, mais la logique de fonctionnement reste la même. 3.3. Avec qui ? ou les institutions impliquées dans un système de formationQuelles que soient les fonctions privilégiées et la logique dominante, un système de formation se concrétise au sein de différentes « institutions », terme employé ici pour désigner un ensemble d’acteurs qui exercent une certaine fonction dans un système de formation. Chacune de ces institutions a des enjeux différents et – selon ceux-ci – la préoccupation d’« efficacité » aura des accents parfois bien différents, voire antagonistes. Quatre types d’institution peuvent ainsi être dégagés (Roegiers, 1997). L’institution de formation réunit les personnes qui, à titre de formateurs, participent à une partie ou à la totalité des actions de formation réalisées dans le cadre d’un projet de formation. Pour l’institution de formation, l’efficacité consiste à atteindre les objectifs qui lui sont assignés, c’est-à-dire de développer auprès des participants les compétences visées. Elle est principalement concernée par ce qu’on peut appeler l’évaluation de l’efficacité pédagogique qui cherche à répondre à la question « Les participants, au terme de la formation, ont-ils acquis les compétences visées ? ». Néanmoins, au-delà de cet aspect, les organismes de formation, privés ou publics, ont un enjeu important : celui d’exister, et donc de vendre. Leur souci d’efficacité sera parfois plus soutenu par leur besoin d’avoir des clients, de les satisfaire et de les garder que de véritablement développer des compétences. L’institution de production nomme l’organisation à laquelle appartiennent les participants qui sont en formation dans le cadre de leur activité professionnelle. Cette institution porte aussi le nom d’institution d’utilisation, pour reprendre la terminologie de Chancerel (1978) et – dans un système de formation sociétal – réunit aussi les usagers. Pour l’institution de production, les actions de formation seront efficaces si elles permettent de rentabiliser l’investissement consenti, tant en temps que sur un plan financier. L’indicateur sera donc le retour d’investissement : si les travailleurs sont plus efficaces sur leur poste de travail après l’action de formation – ce qui pourra être approché par ce qu’on appelle l’évaluation du transfert – et si l’entreprise elle-même accroît ses bénéfices – mis en évidence dans l’évaluation de l’impact –, alors on pourra dire que la formation était efficace. Derrière cette logique de base, il faut avoir conscience que, par exemple dans une entreprise, les intérêts et les enjeux ne sont pas les mêmes selon qu’on soit chef d’entreprise, directeur des ressources humaines, chef de proximité, salarié… Une formation organisée avec les meilleures intentions du monde peut ainsi parfois être perçue par le salarié comme une sanction : si on l’envoie en formation, c’est qu’il n’est pas compétent, et la formation est interprétée alors comme l’antichambre du licenciement, ce qui en réduira évidemment l’efficacité ! L’institution d’analyse réunit la ou les personnes qui interviennent pour piloter une évaluation entrant dans le cadre d’un projet, ou pour évaluer ou conseiller le projet tout simplement. Dans le cadre d’un système de formation, cette institution intervient surtout pour contribuer à l’analyse des besoins, qui concerne l’évaluation de la pertinence. L’efficacité des actions de formation se trouve donc, pour l’institution d’analyse, en amont de leur réalisation. Elle dépend de la probabilité a priori qu'ont les actions de formation de satisfaire les besoins de l’organisation, de contribuer à répondre aux défis auxquels elle est confrontée et aux projets qu’elle se donne. L’enjeu est donc de fournir la meilleure analyse, mais à nouveau, il peut exister des enjeux plus sournois : si l’institution d’analyse est aussi opératrice de formation, elle risque d’orienter son analyse de telle sorte à vendre ses produits. L’institution de gestion regroupe la personne ou le groupe de personnes responsables du bon déroulement du système de formation. Cette institution peut être indépendante des trois institutions précitées mais, de toute manière, garde des liens fonctionnels importants avec chacune de celles-ci. Plus souvent, elle est insérée au sein même de l’organisation, soit en tant que service de formation, soit plus simplement en tant que responsable de la formation, voire de la gestion des ressources humaines. Pour cette institution, l’important est que tout se déroule bien. La formation sera dès lors considérée comme efficace si les participants sont satisfaits du processus de formation, ce qui dépendra d’éléments directement liés aux objectifs de la formation (compétence du formateur, alternance théorie-pratique, prise en compte du quotidien professionnel des participants…), mais aussi à des éléments plus contextuels (durée et rythme de la formation, qualité du cadre de la formation, des collations, des repas…). L’évaluation de l’efficacité de la formation se limite donc bien souvent, pour l’institution de gestion, à savoir si les participants sont satisfaits, sans trop se préoccuper de savoir si la formation produit des résultats en termes d’acquis, de transfert et/ou d’impact. Selon la fonction qui est poursuivie par le système de formation, selon la logique dans laquelle celui-ci s’insère et selon l’institution qui en est l’acteur, on se trouve donc face à des préoccupations différentes en matière d’efficacité de la formation. Le concept est polysémique. Cette pluralité de sens est encore favorisée par l’évolution de la problématique de la formation professionnelle, notamment en raison de l’émergence du concept de compétence. 3.4. Sur quelle base ? ou les référents du système de formation3.4.1. L’analyse de besoins en formationEn une trentaine d’années, la problématique de la formation professionnelle a fortement évolué. Dans les années 60, on avait tendance à « former pour former ». Cela signifie que les jeunes qui apprenaient un métier en école professionnelle acquéraient avant tout une « qualification » qui se concrétisait par un diplôme leur permettant d’entrer dans une entreprise et qui trouvait sa raison d’être dans le fait qu’elle avait toujours existé ! Tout le monde savait bien que cette qualification ne permettait pas de maîtriser tout ce qui était nécessaire dans l’exercice du métier, sur le poste de travail. Aussi, les jeunes étaient bien encadrés et apprenaient sur le tas. Certains avaient parfois la possibilité de suivre une formation complémentaire, mais de manière non structurée, et parfois à titre de simple récompense ! Puis vinrent les travaux de Barbier & Lesne (1977) ; Beau (1976) ; Charlot (1976) ; Bourgeois (1991) ; Le Boterf (1987, 1991) ; Meignant (1991) ; Roegiers, Wouters & Gerard (1992) ; Rousson & Boudineau (1981) ; Stufflebeam & al. (1980) ; Stufflebeam & Shinkfield (1985)… autour de l’analyse de besoins. L’idée était simple, mais pourtant révolutionnaire : il fallait former pour répondre à des besoins ! D’une part, des besoins en qualification. Face à la crise de l’emploi, il fallait former les jeunes pour répondre aux besoins en qualification des entreprises, certaines formations initiales étant parfois mises en place uniquement pour répondre à un besoin spécifique. D’autre part, des besoins de formation. En réponse à une idée émise au départ — que ce soit une demande de formation d'un de ses membres, une offre de formation qui l'interpelle ou une nécessité de formation qu'il perçoit intuitivement — le système se proposait de recueillir les informations nécessaires pour déterminer s'il n'y a pas mieux à faire pour arriver à ses fins, c'est-à-dire pour réguler le processus dans lequel il est engagé. Le besoin étant défini comme un décalage entre une situation réelle et une situation idéale, il suffisait d’observer la réalité pour détecter les actions prioritaires à mettre en place. Cependant, dès le départ, Barbier et Lesne (1977) soulignaient l'ambiguïté du concept de besoin, liée à ses connotations à la fois objective et subjective : objective, dans le sens où le besoin est censé être le reflet d'une nécessité naturelle ou sociale ; et subjective, dans la mesure où il n'existe qu'à travers le filtre des perceptions de l'individu. L’idée de pouvoir réaliser des « inventaires de besoins » aboutissait donc rapidement à une impasse, et l'analyse des besoins apparaissait dès lors (Bourgeois, 1991) comme un double et complexe processus d'élucidation – faire émerger les représentations des acteurs – et de négociation sociale – déboucher sur une représentation commune en termes d’objectifs. Un tel processus est ouvert à deux niveaux :
Une telle approche a constitué la démarche de base pour l’élaboration de plans de formation durant des années et est encore fort présente aujourd’hui (Chiadli, Jebbah & De Ketele, 2007). La problématique de l’efficacité y trouve d’ailleurs une place naturelle, comme le montre la Figure 2 (Gerard, 2003) :
Dans cette perspective, une action de formation est mise en place parce que l’organisation s’est défini – du moins, on l’espère – un objectif d’évolution (Hauser, Masingue, Maître & Vidal, 1985) en fonction de ses besoins : diminuer le nombre de pannes, accroître le chiffre d’affaires, augmenter la qualité du service à la clientèle, etc. L’action de formation mise en place doit permettre a priori d’atteindre cet objectif d’évolution. Pour ce faire, il faut déterminer les objectifs de formation les plus adéquats, ainsi que les éventuels objectifs d’action. Les objectifs de formation ne sont autres que les compétences que l’on va essayer de développer ou de faire acquérir et qui devraient permettre, en étant mises en œuvre, d’atteindre l’objectif d’évolution. La pertinence des objectifs de formation est donc primordiale. Les objectifs de formation seront pertinents si, a priori, ils sont ceux qui permettront le mieux d’atteindre l’objectif d’évolution. L’évaluation de la pertinence est une étape essentielle du processus, car il est évident — par définition — que des objectifs qui ne seraient pas pertinents ne permettraient pas d’atteindre l’objectif d’évolution et donc d’avoir l’impact recherché. L’action de formation consistera à mettre en œuvre un processus permettant d’atteindre les objectifs de formation, c’est-à-dire que les compétences soient acquises par les participants. L’évaluation des acquis – ou efficacité pédagogique – permettra d’attester qu’il en est bien ainsi. Elle pourra se réaliser durant ou à la fin de la formation. Cette évaluation est donc également essentielle, car il va de soi que des compétences qui ne seraient pas acquises ne permettraient pas non plus d’atteindre l’objectif d’évolution et donc d’avoir l’impact recherché. Lorsque l’action de formation est terminée (ou même parfois lorsqu’elle est encore en cours dans le cas d’actions étalées sur plusieurs semaines, voire plusieurs mois), une évaluation du transfert permettra de vérifier que les compétences acquises sont effectivement mises en œuvre sur le poste de travail. Cette évaluation est bien sûr indispensable, car il va de soi que des compétences qui ne seraient pas mises en œuvre ne permettraient pas non plus d’atteindre l’objectif d'évolution et donc d’avoir l’impact recherché. On le voit, l’impact d’une action de formation est directement lié à la pertinence des objectifs de formation, à l’efficacité pédagogique de la formation et à la qualité du transfert des compétences acquises. On est donc dans un système très cohérent, où l’efficacité peut être traitée de manière relativement opérationnelle. Quelques grandes exigences en matière d’efficacité peuvent d’ailleurs être mises en avant à partir du schéma :
La démarche d’analyse des besoins est très productive, mais elle correspond aussi à un processus relativement lourd (Kirkpatrick, 1998 ; Truc, 1991). Ainsi, si l’émergence des analyses de besoins a fortement contribué à développer des systèmes de formation rigoureux, pertinents, efficaces, en résonance avec les entreprises, la complexité du processus en a découragé plus d’un, et ce d’autant plus qu’il y avait de nombreuses raisons de réaliser de telles analyses : non seulement des demandes ou des offres de formation, mais aussi et surtout la mise en œuvre de projets ou la résolution de dysfonctionnements. L’analyse des besoins était certes l’arme fatale pour instaurer un processus dynamisant au sein des entreprises, mais le système risquait bien de se perdre un peu dans la complexité du dispositif et aussi dans une certaine instabilité liée au fait que, par définition, l’analyse des besoins était toujours et encore à recommencer ! 3.4.2. La gestion par compétencesL’émergence de la notion de compétence (Barbier, 1996 ; Bayard, 1993 ; Bosman, Gerard & Roegiers, 2000 ; Dousset, 1990 ; Eraut, 1994 ; Guittet, 1998 ; Jolibert & Crépon, 1994 ; Jolis, 1997 ; Lasnier, 2000 ; Le Boterf, 1994, 1996, 1997, 1998-1999 ; Lévy-Leboyer, 1996 ; Meignant, 1995 ; Perrenoud, 1998…) et son opérationalisation tant dans le champ de la formation que de la gestion des ressources humaines permirent d’ouvrir une nouvelle ère de la formation professionnelle. Le concept de compétence est lui aussi – et c’est peu de le dire – un concept polysémique. Il ne nous revient pas ici de clarifier une fois pour toutes ce que recouvre le concept, mais ce qui nous intéresse, c’est de voir l’impact qu’a eu ou peut avoir la notion de compétences sur l’élaboration des actions de formation ainsi que sur leur efficacité. Sur un plan théorique, l’introduction de la notion de compétence devrait contribuer à systématiser et à structurer le processus de formation et d’évaluation, comme le montre la Figure 3 qui présente la démarche générale théorique d’une gestion par compétences, au niveau de la formation :
Lorsqu’une organisation professionnelle souhaite s’inscrire dans une gestion des compétences, elle commence la plupart du temps par définir un « référentiel de métier » qui analyse toutes les situations auxquelles les travailleurs sont confrontés dans leur pratique professionnelle. Sur la base de ce référentiel de métier, on élabore ensuite un « référentiel de compétences » qui permet de dégager toutes les compétences nécessaires pour traiter avec succès les situations décrites dans le référentiel de métier. Enfin, on définit d’une part un « référentiel de formation » qui permettra de favoriser la maîtrise effective des compétences nécessaires et d’autre part un « référentiel d’évaluation » qui permettra l’évaluation de cette maîtrise des compétences réelles des travailleurs. Ces deux derniers référentiels doivent permettre d’opérationaliser la démarche au niveau des individus. Sur la base du référentiel d’évaluation, on pourra établir des bilans de compétences individuels qui permettront d’élaborer des plans de formation individuels, en liaison avec le référentiel de formation, de telle sorte que les travailleurs maîtrisent au bout du compte toutes les compétences définies dans le profil des compétences, et puissent donc exercer avec efficacité le métier défini dans le référentiel métier. L’efficacité n’est dès lors plus celle du système de formation, mais du système « compétences », en prise directe avec l’entreprise (Le Boterf, 2004). La démarche est elle aussi très cohérente, et peut coller à la réalité et aux besoins de chaque entreprise ou de chaque système de formation professionnelle. Dans une telle démarche, un point focal est l’évaluation des compétences, car c’est elle qui va permettre de tenir compte de la réalité pour l’améliorer. L’évaluation des compétences est néanmoins très complexe (Gerard, 2007) et il n’est jamais facile d’y procéder. Certains outils sont actuellement développés, à travers des situations complexes proches de la réalité, des critères, des indicateurs… mais leur mise en œuvre n’est pas sans poser de problèmes. Il faut accepter qu’un bilan de compétences ne peut se contenter d’un « entretien d’évaluation », aussi bien préparé et conduit soit-il. Une évaluation en continu et en temps réel est la plus indiquée. Notre expérience montre cependant que la préoccupation de l’évaluation n’est pas toujours présente dans la mise en œuvre de la gestion des compétences, ou alors elle n’est pas opérationalisée, ou encore elle est distincte du système des compétences. La question est d’ailleurs délicate : il nous semble que la prudence s’impose en matière de gestion des ressources humaines par les compétences. Les liens qui peuvent être établis entre compétences, rémunération, promotion… sont fragiles. Non pas qu’il ne faille pas avancer dans cette direction, mais il nous semble que – y compris pour une question d’efficacité – la prudence doit guider les décisions et que celles-ci ne peuvent se fonder que sur une évaluation réellement pertinente, valide et fiable, ce qui nécessite notamment des outils élaborés avec rigueur et justesse. Cette problématique concerne aussi évidemment la validation des acquis de l’expérience (VAE) qui est aujourd’hui un élément important dans le cadre d’un système public de formation professionnelle et qui devrait se fonder sur une véritable évaluation des compétences. Quelles que soient les difficultés, la démarche de gestion par compétences a le grand mérite – que ce soit pour une entreprise spécifique, mais aussi pour tout système de formation professionnelle, local, régional ou national – de proposer une grande cohérence entre les objectifs des organisations professionnelles, les activités nécessaires pour atteindre ces objectifs, les compétences pour réaliser ces activités, la réalité de ces compétences chez les individus et les activités de formation nécessaires pour combler l’écart entre les compétences réelles et les compétences attendues. En d’autres termes, un système, professionnel et/ou social, qui permettrait d’intégrer pleinement cette démarche compétence serait d’une grande efficacité, car il permettrait un développement cohérent des compétences dont il a besoin pour se développer lui-même. Il y a sans doute encore beaucoup de voies à ouvrir et de chemins à parcourir pour y arriver pleinement, mais la perspective est prometteuse. 4. ConclusionAu terme de ce voyage autour de l’efficacité d’un système de formation, il apparaît qu’il s’agit là d’une nécessité absolue qui ne sera remise en question par personne, mais qui sera souvent comprise avec des accents forts différents selon la manière dont on conçoit le système de formation. Selon les réponses qu’on apporte à des questions de base comme « Pourquoi la formation ? », « Comment ? Avec qui ? Pour qui ? Sur la base de quel référentiel ? etc. », et selon la position qu’on occupe soi-même dans le système de formation, on accordera plus ou moins d’importance à l’efficacité immédiate de la formation (les participants apprennent-ils ce qu’ils doivent ?) ou aux effets de la formation (les participants utilisent-ils leurs acquis sur le poste de travail ? Cela a-t-il un impact sur l’organisation ?). Quand certains se préoccuperont surtout de savoir si le système fonctionne bien, notamment sur la base de la satisfaction des participants, d’autres accorderont toute leur énergie à faire en sorte que le système soit pertinent et réponde aux besoins réels de l’organisation. L’efficacité d’un système de formation est très complexe, d’autant plus qu’elle dépend aussi d’un certain nombre de facteurs sur lesquels nous ne nous sommes pas attardés (Santelmann, 2004) : les participants adhèrent-ils aux objectifs de la formation ? Approuvent-ils les moyens proposés pour atteindre les objectifs, que ce soit en termes de stratégies pédagogiques ou de ressources (la durée de la formation, le formateur, les supports matériels…) ? Ces moyens sont-ils les plus cohérents pour atteindre les objectifs ? Ceux-ci sont-ils réellement atteignables en fonction des moyens disponibles ? Les moyens prévus sont-ils réellement disponibles ? Et bien d’autres questions encore qui peuvent influencer directement ou indirectement l’efficacité des actions de formation. Au bout du compte, c’est une question de redevabilité, liée à la délégation. Un système de formation – et tous les acteurs qui le composent – reçoivent comme mission de développer les compétences qui sont nécessaires. Pour ce faire, le système et les acteurs disposent d’une certaine autonomie. Mais le pendant de celle-ci est toujours la redevabilité : il faut pouvoir rendre des comptes à ceux qui délèguent. Un système de formation est financé, que ce soit par des pouvoirs publics et/ou privés. Le système doit pouvoir agir en autonomie, mais il doit aussi pouvoir rendre des comptes, démontrer son efficacité. Tout comme d’ailleurs les financeurs doivent pouvoir démontrer que l’argent est utilisé à bon escient et produit les effets escomptés. On ne peut pas vouloir tout atteindre à la fois : il serait vain pour un système de formation de vouloir être efficace selon toutes les dimensions mises en avant. Être efficace, c’est aussi faire des choix, se donner des priorités. Rendre l’efficacité un peu moins soluble pour la rendre plus cohérente et plus visible, plus orientée vers des objectifs clarifiés et partagés par tous les acteurs de la formation. Le proverbe berbère dit « Si tu ne sais pas où tu veux aller, tu risques de mettre du temps pour y arriver ! ». Celui de cette Université d’hiver pourrait être « Si vous voulez une formation efficace, mieux vaut savoir au départ ce qui vous permettra de savoir qu’elle l’est à l’arrivée. » BibliographieArdoino, J. (1966), Communications et relations humaines : esquisse d’un modèle d'intelligibilité des organisations, Bordeaux : Institut d’administration des entreprises de l’Université de Bordeaux.
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