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Préface

Mon livre ne devrait pas exister. Son existence n'est que l'aveu de ma faiblesse, de l'incapacité fondamentale du poète de dire ce qu'il a à dire.

Je voudrais me taire. Il y a le langage. Il y a le monde. Il y a moi. Je pose ma vie sur le monde, et le monde me le rejette toujours. J'écoute le monde, et je l'écoute tel. Je veux le remplir, le combler des images mythiques de ma vision.

Toujours déjà, le monde s'efface dans son apparition. Il jaillit de son oubli par tant de dissonances que le mot - qui m'est cher - ne signifie plus rien, alors même qu'il donne sens. Sens étroit et contingent, aussi creux qu'une timbale débordante du grondement funèbre.

Sens. Sens du langage. Sens du monde. Sens du moi. Et tandis que j'ouvre le sens, le trop plein se déverse pour jaillir en source tarie. Le poète, orgueil de son sens, cherche le chemin qui le conduit au comblement de son vide d'individu. Il ne trouve jamais que des mots, signes de leur résonance. Et lorsque le mot résonne, l'homme raisonne.

Il ne reste que bourdonnement, gémissement, grincement, clabaudage, charivari. J'écoute le mot. Il se perd. Il devient sens, quand il ne l'est plus. Il finit par nommer, désigner. Il dit "il". Personnification du sens. Celui-ci est nommé, par le mot. Adjonction de la signification et de la nomination, du "sens" et du "il". Il sens. Désignation de la signification par la nomination, de la nomination par la signification. Il désigne sens. Il est sens.

La signification naturalise la nomination. Il essence. De par ma recherche de signification, l'essence de cette signification ne peut être. Je dois la réduire. Je romps l'essence. Car le mot est rupture de la forme. Es-sence. Mais le mot n'est pas. Il signifie, il nomme. Le mot retrouve l'adjonction de la signification et de la nomination. Il sens. Pénétration de la signification par la nomination, de la nomination par la signification. S-il-ens.

Silence. Le comblement ne peut s'atteindre qu'en le libérant de toute contingence sens-uelle et mot-rale. Là se trouve l'absolu de sens, toujours déjà silence.

Mon livre ne devrait pas exister. Son existence n'est que l'aveu de ma faiblesse, de l'incapacité fondamentale du poète de se taire pour dire ce qu'il a à dire.

FMG © 1975


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